Accueillir de nouvelles familles est inévitable en structure petite enfance.

Ça paraît plutôt évident. Si pas d’enfants, pas d’établissements d’accueil du jeune enfant.

 

Oui, mais voilà: Même si cela paraît être une banalité, cette période est la plus importante dans l’accompagnement de l’enfant et de sa famille.

Elle n’est ni anodine ni évidente et n’est pas à prendre à la légère.

 

Recevoir une nouvelle famille est une chose, mais, construire une relation de confiance avec elle de façon solide et pérenne dans le temps, c’est une autre histoire.

Si je le sais, c’est parce que moi aussi je suis passée par là quand j’étais EJE de terrain et directrice.

 

Heureusement, il existe une démarche qui a été pensée pour bâtir ces premiers jours d’accueils en respectant le cerveau immature de l’enfant et les enjeux des parents et des professionnels. Tout cela enrobé de sérénité et de transparence.

 

Aujourd’hui, je voudrais te parler, non pas “d’adaptation”, mais bien de “familiarisation sans séparation”.

 

Qu’est-ce donc et quelle est la différence entre ces deux approches ?

Viens vite le découvrir en lisant la suite !

La familiarisation sans séparation vs l'adaptation ?

J’imagine que si tu lis cet article, c’est que l’adaptation est déjà une période (et je l’espère bien !) mise en place sur ton lieu de travail.

Je ne vais donc pas plus m’attarder dessus. Mais il est nécessaire de revenir sur son but premier et de le comparer avec la familiarisation sans séparation (FSS).

 

Cette période fait référence au processus par lequel un enfant et sa famille passe afin de s’habituer à un nouvel environnement, tels que la crèche ou chez l’assistante maternelle.

Le but étant de mettre en place, avec la famille, une collaboration qui permet à l’équipe de découvrir et connaître chaque enfant individuellement afin de l’accompagner quotidiennement tout en respectant ses besoins et ses habitudes.

 

Dans l’adaptation, comme son nom l’indique, l’enfant apprend à s’adapter.

D’après le Larousse, adapter = modifier la pensée, le comportement de quelqu’un pour le mettre en accord avec une situation nouvelle. Cette définition n’est clairement pas aussi bienveillante que nous le voudrions pour cette période si cruciale.

 

Pour résumer rapidement, la période d’adaptation dure généralement une à deux semaines. Un des parents est présent le premier, voire le deuxième jour. À partir du 2e ou du 3e jour, l’enfant est accueilli sans son parent sur un temps donné qui se rallonge au fur et à mesure de la semaine.

C’est donc la séparation qui est au coeur des préoccupations. Nous demandons à l’enfant de s’habituer au nouvel environnement, d’apprendre à vous faire confiance et de se sentir en sécurité en très peu de temps et sans la présence d’un de ses parents, sa figure d’attachement.

 

C’est tout l’inverse de la familiarisation sans séparation : une démarche qui permet à l’enfant de se familiariser au nouvel environnement sans qu’il y ait de séparation physique avec son parent. Ici, le parent est présent tout du long (ou presque). L’accent est mis sur la stabilité et la continuité.

 

Ne sont-ils pas les points d’ancrage pour la construction d’une sécurité affective et d’une relation de confiance ?

Pourquoi je préfère la familiarisation sans séparation ?

Même si ces deux périodes ont pour même objectif : Rendre l’enfant sécure afin qu’il puisse partir à l’exploration en l’absence de son parent. La démarche, quant à elle, est totalement différente et s’oppose.

La FSS est de loin une démarche qui respecte davantage le fonctionnement du cerveau du tout-petit, les besoins des familles et vos attentes en tant que professionnel.

 

 

        Pour l’enfant:

 

La FSS se réfère à une approche où l’enfant va apprivoiser un nouvel espace de vie (bruits, odeurs, couleurs, lumière…) ; découvrir de nouveaux visages et se familiariser avec la vie en collectivité, tout en maintenant un lien continu avec sa figure d’attachement. Elle est bénéfique puisque par sa stabilité, elle permet à l’enfant de s’habituer progressivement à cette collectivité et aux différentes pratiques qu’impose ce lieu tout en minimisant le stress associé à une séparation.

 

illustration pauline vauthier cerveau neuroscience

L’enfant ayant toujours en visuel son parent, sa figure d’attachement, son cerveau est disponible pour partir à l’exploration, rentrer en relation avec les adultes qui lui sont encore inconnus et avec ses pairs.


L’adaptation, quant à elle, l’enfant étant séparé de son parent très (trop) rapidement, son cerveau sécrète du cortisol, l’hormone du stress. Ainsi, il ne peut pas aller explorer sereinement.


        Pour le parent:

 

La FSS donne l’occasion aux parents de réellement découvrir ce qu’est une journée à la crèche et ce que cela implique. Ces avantages comme ces inconvénients.

 

Beaucoup de parents, même après plusieurs mois d’accueils, n’ont pas encore intégré le rythme d’une journée type à la crèche, ce qu’on y fait et comment. Quelle est la réalité du terrain auquel sont confrontés les professionnels ? Je suis persuadée qu’une totale transparence permettrait aux familles une meilleure compréhension de votre travail, des projets propres à chaque structure et des pratiques.

 

Ainsi cela évite les surprises et les demandes qui nous sont parfois (malheureusement) impossibles de mettre en place due à la collectivité. Mais ce sont aussi des parents qui sont plus investis dans la vie de la structure et qui ressentent moins d’appréhension de par l’ouverture sur ce lieu si “mystique et imaginé”.

 

Ne serait-ce pas la recette d’une relation de confiance stable et durable ?

Également, un parent serein est un enfant serein !

 

 

        Pour les professionnels:

 

La FSS est pour vous l’opportunité d’échanger bien plus qu’une seule heure. C’est aller au-delà des simples questions “classiques” (mais essentiel que je ne remets pas en question) pour approfondir, discuter ou tout simplement observer ensemble l’enfant. C’est prendre le temps !

 

  • Prendre le temps d’être disponible physique et psychiquement, à l’écoute des interrogations, des appréhensions et des angoisses du parent. C’est déjà le soutenir dans son rôle et le respecter en tant que premier éducateur.

 

  • Prendre le temps de rentrer en relation avec l’enfant à distance au début, puis progressivement faire une délégation lors des moments clés de la journée tels que le sommeil, le repas ou les moments de soins.

 

  • Montrez aux parents comment vous travaillez. Le parent va vous observer, c’est un fait. Prenez-le comme une chance de faire découvrir votre métier. Non, nous ne sommes pas là pour seulement jouer (quoique très important), mais aussi répondre aux besoins de chaque enfant individuellement, les accompagner dans leurs émotions, leurs découvertes …

 

De par cette grande transparence, vous mettez à l’honneur votre fiabilité, votre honnêteté et vos compétences. Vous vous sentirez d’autant plus compris.

 

Cela peut faire peur (du jugement ?), vous avez raison, mais en résulte, une valorisation et un respect de ces métiers de l’ombre.

Quelques pistes pour reconstruire ses pratiques

Pour respecter le besoin d’ordre et de stabilité de l’enfant:

 

          1. (Re)Penser le planning de familiarisation

 

Le planning de familiarisation n’est pas fait en fonction des horaires des professionnels, mais l’inverse.

Ainsi le planning pourrait ressembler à cela.

Bien entendu, cela reste une proposition idéal. Elle a pour principe d’inspiration. Elle peut également s’étendre davantage dans le temps. Il est important de s’organiser en amont entre équipes.

 

 

 

2. Mettre en place des repères

 

Afin que l’enfant puisse construire sa confiance en ce nouvel environnement. Les repères sont primordiaux.

 

  • Déterminer une seule et même personne durant ce temps d’accueil = la référente. Ce n’est que par la suite que la référence pourra s’ouvrir aux autres professionnels,

  • Organiser un espace de familiarisation où l’enfant et son parent s’installeront chaque jour. Pour les bébés, il est possible d’imaginer un espace, déterminé par un tapis individuel, dédier à chaque enfant. Ainsi chaque matin, après un soin, une sieste, l’enfant est toujours replacé sur son tapis.
  • Proposer les mêmes jeux. L’enfant aura plaisir à les retrouver.
 
 

3. S’organiser entre équipes

 

  • Organiser l’ensemble des horaires des professionnels afin de libérer la référente,
  • Échelonner les familiarisations de sorte à en avoir que 2 maximum en même temps (matin et après-midi),
  • Prévoir qui est disponible pour les autres enfants durant les temps d’échanges (et seulement pendant ces temps-là). En effet, la familiarisation sans séparation demande une présence du parent sur de longues plages horaires. Il est donc impossible qu’un professionnel ne puisse se détacher à 100% sur cette période. Octroyez-vous la possibilité de vous occuper des autres enfants même durant la présence d’un parent. N’est-ce pas la réalité de la crèche ?
 
 

4. Instaurer des règles avec les familles

 

Il ne s’agit pas de laisser la porte grand ouverte à tout et n’importe quoi

  • Préparer en amont leurs disponibilités et bien insister lors de la première rencontre avec la directrice, l’importance de ces premiers temps,
  • Expliquer les avantages de leur présence et donc d’être présent physiquement et psychiquement pour leur enfant,
  • Expliquer le travail de délégation progressive. Au début le parent fait les soins, accompagne le sommeil (pour les bébés) … pour laisser place au professionnel au fur et à mesure des jours,
  • Interdire les portables (pas de photos ou être sur son portable en “attendant”),
  • Interdire les interventions auprès des autres enfants. Même s’ils pensent bien faire, pour vous aider. Ils restent des personnes étrangères aux yeux des autres enfants.

La FSS a pour but de rendre familier ce qui est inconnu. Cela demande du temps !

 

Ainsi, la FSS respecte le rythme de chacun et offre le temps :

  • À l’enfant de se familiariser avec toutes ces nouveautés, à se préparer à la séparation en toute sérénité et de s’imprégner du lieu en présence du parent afin de le faire continuer d’exister une fois cette période terminée,
  • Au parent de découvrir ce lieu trop souvent fermé et à se préparer à la séparation en toute confiance,
  • Au professionnel de se poser, d’observer, d’échanger, d’apprendre à connaître au mieux l’enfant et sa famille.

 

Ne pas oublier que la familiarisation va bien au-delà de cette période.

 

=> Connaissais-tu l’approche de la familiarisation sans séparation ?

=> Comment souhaites tu la mettre en place ?

2 Comments

  1. Alexandra Amadis

    Bonjour Pauline,

    Très envie d’instaurer la familiarisation sur notre structure. Mais concrètement, comment intégrer le parent à la vie de la crèche pendant ses moments? Ne pas le laisser seul dans son coin, en observateur ou pas. Comment permettre aux professionnels d’être à l’aise avec la présence du parent sur une longue période ?

    1. Bonjour Alexandra,

      Effectivement la place du parent doit être réfléchie avec l’équipe durant ces temps d’accueil.
      Les 2 premiers jours, il est conseillé de rester avec le parent. Tout comme une adaptation classique.
      Par la suite, le but étant que le parent puisse également visualiser ce qu’est une journée à la crèche, le professionnel va petit à petit prendre de la distance avec le parent pour le laisser « seul’ avec son enfant. Les professionnels vont donc lui accorder une place d’observateur et des temps de partage autour du jeu avec son enfant au sein de l’unité de vie.

      Ceci dit, le parent n’est jamais réellement mis de côté, car il participe ensuite au temps de prise en charge de son enfant (soin, repas …) et peut lorsqu’un professionnel est disponible, en profiter pour répondre à des interrogations.

      Concernant la deuxième question, c’est un vrai travail d’équipe et notamment sur leur propre regard autour de ce qu’est un parent, son rôle et le principe de co-éducation. Si vous avez des professionnels où le rôle de chacun est bien compris et défini, ainsi que l’importance de cette pratique sans séparation, tout roule !

      À ne pas oublier qu’il y a toujours un peu d’appréhension au début et c’est normal 🙂 Le temps de se connaître, de se faire confiance …

      Au plaisir d’échanger davantage sur ce sujet !
      Il est également possible de faire une journée pédagogique en équipe sur cette thématique.
      N’hésitez pas à m’en faire part si cela vous intéresse.

      Pauline

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